Afin de mieux comprendre les difficultés sexuelles retrouvées actuellement dans certains couples, il nous a semblé pertinent d’interroger les femmes sur leur perception de la sexualité à l’adolescence.
L’enfance ainsi que l’adolescence sont des étapes clés dans le développement de l’individu. L’analyse de ces périodes de vie nous permet ainsi de mieux comprendre certaines problématiques rencontrées une fois adulte.
Nous avons donc interrogé un échantillon de plus ou moins 400 femmes. Les répondantes sont toutes des femmes d’âges différents, de classes sociales différentes, d’origines différentes et il s’agit principalement de femmes hétérosexuelles.
Les résultats sont très pertinents car il s’agissait d’une question ouverte qui a laissé place à plusieurs réponses libres.
Voici, d’après les résultats au sondage, la perception qu’avaient les femmes répondantes concernant la sexualité au moment de l’adolescence :
L’image du sale et de l’impure :
L'image du tabou, de l'impur, de l’interdit et de la peur reviennent énormément dans l'imaginaire de ces femmes. En effet 52 % des femmes avaient une image "dégoutante" de la sexualité.
Donc un peu plus de la moitié n’en avait pas une image positive et nous pouvons émettre l’hypothèse que cette image a pu être conditionnée par l’environnement, le milieux culturel où ont grandi ces femmes.
En effet, après m’être entretenue en privé avec certaines répondantes, j’ai pu constaté que certaines disaient avoir dans leur entourage des personnes qui leur avaient transmis cette image sale de la sexualité. De plus, il y a un tabou latent dans les familles en ce qui concerne la sexualité pour celles qui en avaient une image « dégoûtante ».
Le sexe comme outil de rapport de domination homme - femmes dans l’imaginaire des adolescentes :
Outre l’image perçue comme étant « dégoûtante » de la sexualité, ces femmes percevaient le sexe comme relevant du domaine masculin et relevant de la satisfaction masculine. En effet, 21 % des femmes en avaient une vision "écœurante" et pensaient qu'il s'agissait d'une obligation de la femme envers son partenaire. 36 % pensaient que les filles devaient être à la merci des garçons sexuellement, et 57 % attribuaient le sexe à la seule satisfaction des hommes.
L’imaginaire autour de l’impur ainsi que la domination entraînent une véritable répulsion en ce qui concerne les pratiques bucco-genitales comme la fellation. 82 % déclarent qu'elles ne se voyaient pas faire de fellation et en avaient une vision dégradante pour la femme. Ici on peut émettre l’hypothèse que cette vision de la sexualité comme outil de domination ainsi que cette image de l’impure aurait eu une répercussion sur l’image de la fellation comme pratique « dégradante ».
Par ailleurs, le manque d’information, ou la diffusion d’informations erronées et l’attribution d’une image sale aux parties dites intimes du corps ont pu elles aussi pousser ces femmes à être totalement dégoûtées de ce type de pratique puisqu'en plus de trouver la pratique rabaissante, elles avaient une vision du sexe masculin comme étant impropre.
La création d’une catégorie sociale à travers le domaine de la sexualité :
C’est avec les mots des répondantes que sont exprimés les résultats du sondage. En effet, lorsque nous avons demandé à ces femmes qu’est-ce qu’évoquait le domaine de la sexualité à l’adolescence, elles ont répondu avec leurs propres mots, nous nous sommes contentés d’ajouter un sondage sous chaque réponse pour savoir si les autres répondantes s’identifiaient aux réponses données. Ainsi 58% d’entre elles ont répondu qu'elles assignaient ce domaine « aux filles de petite vertu ».
Par cette expression, elles qualifient une catégorie spécifique de femmes ou de jeunes filles. La sexualité aurait donc un impact sur l’image sociale des jeunes filles puisqu’elle peut leur créer une « étiquette » qui est celle d’une fille « de petite vertu ». La vertu étant associée à la chasteté, mais également à la qualité. Cela reviendrait à dire que dans l’imaginaire collectif de ces femmes, le manque de chasteté, l’intérêt pour la sexualité de manière affichée, va diminuer d’une certaine façon la « valeur » d’une personne, plus particulièrement si cette personne est de sexe féminin.
On peut d’ailleurs déduire que cette création d’une catégorie sociale autour de cette sexualité « affichée » aura un impact sur l’appropriation des envies sexuelles par ces femmes ainsi que sur la fabrication d’une norme autour de l’envie sexuelle. Effectivement, nous avons pu voir que 61 % déclaraient avoir eu des envies sexuelles et ont pensé que ça n'était pas normal et 40 % déclaraient qu'elles se masturbaient et que cela les dégoûtait.
On peut émette l’hypothèse que ces résultats ne sont pas sans lien de part le pourcentage très similaire (61 % déclarent avoir eu des envies sexuelles et ont pensé que ça n'était pas normal & 58% d’entre elles ont répondu qu'elles assignaient ce domaine « aux filles de petite vertu ».) On pourrait donc penser que les femmes qui assignaient la sexualité à cette catégorie de femmes sont les mêmes que celles qui pensaient que ce n’était pas normal d’avoir des pensées sexuelles.
Il est intéressant aussi de voir que 57 % déclaraient avoir eu une libido élevée très tôt. Encore une fois le résultat est très proche des deux précédents et reflète à nouveau une présence de désir sexuel chez les adolescentes, qui a peut-être débuté à la pré-adolescence.
Il est intéressant de voir aussi que dans ces résultats, 64 % déclaraient avoir peur de tomber sur un homme qui ne serait pas attiré par le sexe. Ainsi, malgré leur réticence pour ce domaine et le fait de l’assimiler à l’interdit et aux femmes dites de « petite vertu », ces femmes souhaitaient retrouver dans leur partenaire un intérêt pour le sexe afin de pouvoir en jouir. On pourrait penser que cela correspond aussi à l’image sociale qu’elles se font d’un homme mais également que cela est important pour elles, afin de pouvoir jouir de leur future vie sexuelle par le biais des actions de leur partenaire sans compromettre à ce « gage de chasteté ».
Étant dans le tiraillement entre leurs envies et les images accolées au statut de la femme face à la sexualité, elles comptaient donc sur l’intérêt vif d’un homme pour le sexe afin de leur permettre un épanouissement sexuel sans passer par leur propre initiative. Mais ces résultats peuvent tout simplement correspondre également à un besoin de partager un intérêt commun pour la sexualité totalement assumé.
Une frontière fine entre l’imaginaire, l’interdit et la curiosité :
L’image de l’interdit, transmise à ces femmes dans leur période adolescente avait créé un sentiment de curiosité, d’envie de découverte mais surtout d’excitation.
La dissimulation du sujet fait de l’univers de la sexualité un univers énigmatique, mystérieux. On ressent au travers des réponses apportées et des témoignages une forte envie de découverte de la part de ces femmes à l’adolescence, une envie de découverte d’autant plus poussée par l’aspect « interdit » et « caché ».
Effectivement on relève que 60 % des femmes trouvaient ce sujet excitant car "interdit", et 73 % déclaraient être impatientes et excitées à l'idée de découvrir cet univers.
De plus, le fait de laisser immergée la sexualité dans l’inconnu a poussé ces jeunes femmes à envisager la sexualité telle qu’elles pouvaient l’entre apercevoir dans les médias de masse, comme dans les films, les séries, sur des forums, mais surtout dans la pornographie puisque 60 % déclaraient qu’elles envisageaient la sexualité similaire à cette dernière.
Désinformation ou manque d’information :
Avec le temps, les femmes ont pris conscience que leur vision actuelle de la sexualité n’était plus la même, qu’avec l’information, leur expérience personnelle et la maturité acquise, elles ont pu faire quelques constats en ce qui concerne la manière dont elles envisageaient la sexualité face au manque d’informations transmises à l’adolescence. En effet, les résultats révèlent que 84% déclarent qu'elles avaient une vision de la sexualité éloignée de la réalité, surtout en ce qui concerne le plaisir féminin. Nous pouvons donc émettre l’hypothèse que ces femmes étaient encore moins informées sur leur sexualité qu’elles l’étaient sur la sexualité au sens large du terme.
Et ce n’est pas sans lien avec l’histoire de la sexualité féminine. En effet, on peut s’apercevoir que ce n’est que depuis peu que des mouvements féministes s’engagent dans la sensibilisation du grand public à la sexualité féminine, à l’anatomie féminine, et dénoncent tout particulièrement le fait que, pendant très longtemps, celle-ci soit passée sous silence, qu'est dénoncée la méconnaissance des femmes et des hommes sur le corps féminin et l’inexistence du clitoris dans les manuels scolaires.
Les résultats mettent en lumière également une envie d’être informée sur le sujet face à une insuffisance d’information à porter de tous. En effet, 77 % disaient n'y avoir aucune connaissance, 72 % déclaraient vouloir en savoir plus sans savoir où se renseigner et 38 % déclaraient avoir appris beaucoup de chose par le biais de la pornographie car elles avaient grandi dans un milieu conservateur.
93 % disaient ne pas avoir conscience que ce domaine était aussi large. Par ce résultat on peut comprendre qu’avec les années les femmes ont fait des découvertes conséquentes sur le domaine de la sexualité, une sexualité qu’elles n’imaginaient pas aussi vaste et qui semble les avoir plutôt agréablement surprise.
Parmi elles, certaines avaient aussi une vision très fonctionnelle de la sexualité, à savoir que selon elles, la sexualité ne servait qu’à but reproductif. En parallèle, elles avaient une vision erronée de la reproduction, notamment en ce qui concerne la fécondité chez la femme.
Construction de l’imaginaire du sexe autour de la peur et du danger :
Pour finir, l’image de l’interdit, le manque d’information ou la désinformation sur le sujet a fini par transmettre à ces femmes des peurs et des craintes autour de la sexualité :
87 % avaient peur de la première fois en raison des idées reçues sur "le sang et la douleur", 74 % déclaraient associer le sexe au danger, à la grossesse et la virginité.
Une autre crainte, celle de devoir dévoiler sa nudité à une personne, 85 % déclaraient avoir des appréhensions quant au fait de se mettre à nu.
On peut envisager la nudité comme quelque chose de sacré, surtout lorsque nous sommes habituées à la pudeur, et que de manière générale se mettre à nu n’est pas quelque chose de commun. Il y a donc une forme d’appréhension qui s’ajoute aux autres appréhensions liées à l’univers de la sexualité puisque se mettre à nu est une situation inédite, qui n’a jamais eu lieu et personne ne nous aide véritablement à nous dévêtir en toute confiance avant de passer à cette étape.
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@sens.u.elles pour secretsdegeishaa.com